- Geesus a écrit:
- on parle toujours du domaine de l'aérodynamique avec toujours les mêmes choses à optimiser :portance ,trainée , comportement de l'engin
L'aviation reste une base d'inspiration et de comparaison interessante ?
il me semble que le foil n'est qu'une extension ou transposition d'un avion,
Effectivement c'est une bonne question.
Y a t'il une analogie suffisante entre un foil et une aile d'avion pour "copier"
Pour beaucoup d'aspects, oui. Donc plein d'idées à récupérer.
Mais ce n'est quand même pas tout à fait la même chose. On risque même des loupés de conception si on transpose trop directement des formes issues de l'aérodynamique sur un profil à vocation hydrodynamique
.
Il suffit de comparer une coque de bateau et un fuselage d'avion. La logique des formes est assez similaire, mais ce n'est pas trop interchangeable.
Plusieurs choses changent fondamentalement quand on passe de l'air à l'eau, il faudra nécessairement les prendre en compte pour dessiner un foil inspiré d'une aile d'avion: !
Concrètement,
1/ La
densité de l'eau est énorme. (1000 kg / m3).
Elle est environ 830 fois plus élevée que celle de l'air (1.2 kg/m3 pour de l'air à 20°C et 40 % d'humidité). En déplaçant un tout petit volume d'eau avec un profil immergé, on obtient une force énorme par rapport à ce que ferait une aile volante aérienne de même taille.
Un foil rectangulaire d'environ 0.5 x 0.4 m = 0.20 m2 de surface supporte 80 kg, comme un deltaplane de 15 m2.
L'erreur de conception typique sera donc de
sur-dimensionner les surfaces portantes en pensant que "sinon, ça ne suffira pas".
Dans l'eau, peu de surface portante, pour de très gros effets.
Un loupé de tracé de 5 cm ce sera déjà énorme
.
2/
Poussée d'ArchimèdeLa poussée d'Archimède est très forte dans l'eau, ridicule dans l'air (il faut un ballon d'environ 1m3 d'hélium pour soulever seulement 1 kg dans l'air; un flotteur de 1 litre fait pareil dans la flotte.).
C'est sans aucun intérêt pour construire un avion, mais incontournable pour dessiner une coque de bateau (d'où les différences énormes des formes utilisées en hydrodynamique / aérodynamique : bateau / avion).
Pour un foil, ça ne joue pas, on peut
négliger largement la poussée d'Archimède.
Les volumes immergés sont faibles, restent en permanence immergés, et en plus sont denses (alu, inox, carbone) donc ne flottent pas.
Par contre, la planche fixée sur le mât devra assurer la flottaison de l'ensemble
.
Attention à ne surtout
pas trop s'inspirer de formes de coques de bateau pour faire un foil, même si "ça va dans l'eau" dans les deux cas
.
C'est la poussée d'Archimède qui conditionne beaucoup de choses sur la forme d'un bateau (flottaison, couple de forces de redressement en cas de gîte)., et pas du tout sur nos engins.
- Bateau = portance permanente en statique avec Archimède, l'hydrodynamique intervient ensuite seulement, pour limiter la résistance à l'avancement avec une coque bien pénétrante dans l'eau.
- Foil = portance uniquement dynamique (seulement en mouvement, zéro à l'arrêt) avec les effets de l'écoulement hydrodynamique , Archimède se repose
.
> Foil beaucoup proche de l'avion que du bateau.
3/ Le
fluide dans lequel on navigueDans l'eau, il a parfois des algues, problème que ont rarement les avions (sauf trop bas !), on évitera les trucs dépassants au bout des ailes qui peuvent accrocher (comme des wiglets par exemple) si on navigue "dans la salade"
4/
Les bullesL'eau présente des
effets de cavitation qui lui sont spécifiques.
La dépression brusque que crée un profil immergé qui se déplace rapidement vaporise l'eau et fait aussi dégazer le gaz dissous (air) qu'elle contient.
Les ailes des avions ni leurs hélices n'ont pas ce souci. Les hélices des bateaux si
.
Pour un foil, ça reste à voir
, je ne suis pas sûr que les vitesses critiques soient atteintes pour déclencher ce phénomène.
4/
La viscositéLa
viscosité dynamique de l'eau (coefficient qui caractérise l'aptitude du fluide à s'écouler) est largement supérieure à celle de l'air (μ = 10-3 Pa·s pour l'eau, 18 × 10-6 pour l'air) donc 55 fois plus que pour l'air.
Si le fluide est peu visqueux, les différentes couches sont beaucoup plus indépendantes.
Bonne nouvelle, l'eau collera mieux que l'air sur un profil, même s'il est assez mal fichu.
Mauvaise nouvelle, le profil va entraîner de l'eau lors de son mouvement (plus grande couche limite), on a vite de la traînée qui résiste à l'avancement.
Donc nécessité de bien soigner le profil et sa réalisation.
5/
Fluide compressible ou pasL'eau n'est
pas compressible, contrairement à l'air qui l'est énormément.
Mais je ne pense pas que ça joue dans la conception d'une aile de foil. On ne passe pas le mur du son avec. Y réfléchir.
6/
Les remousIl n'y a quasiment pas de mouvements de convections dans l'eau à grande échelle (pas de bulles thermiques de partout, comme c'est habituel dans l'atmosphère réchauffée par le soleil).
Le foil se déplace donc dans
milieu très homogène, et qui ne brasse pas dans tous les sens.
Ca simplifie bien les choses en stabilité ,et permet de réaliser des profils beaucoup moins stables structurellement que ceux des deltaplanes par exemple .
7/
Densité du fluide variableEn snowkite, on ressent bien les effets de la densité de l'air variable selon les conditions météo. En montagne (air froid et humide, plus dense), le kite tracte et porte sensiblement mieux qu'en été (air chaud sec et plus léger). Ca doit être pareil en parapente.
- Air froid humide (-10 %C et 100 % d'humidité), densité de l'air 1.34
- Air chaud et sec (+35% °C avec 40 %HR) densité de l'air 1.136
Je n'avais encore jamais regardé ça de près, mais ça fait quand même
15% d'écart, comme si on changeait de kite pour une taille au dessus.
Et dans la flotte ?
Le foil peut passer de l'eau de mer (salée donc plus dense) à l'eau douce (moins dense). La portance sera plus faible en lac, car proportionnelle à la densité du fluide.
Mais l'écart est de
2.5 %, négligeable, sauf si on navigue sur la Mer Morte.
8/
Milieu bi-phasique ou pasLe foil navigue près d'une
interface eau/air, gros souci qui n'existe pas chez les avions.
L'extrados de l'aile crée une dépression qui peut aspirer un tourbillon d'air venant de la surface (comme une bonde de lavabo avec un entonnoir d'air quand on vide).
Le foil se retrouve alors dans une mousse d'eau et de bulles d'air, très peu dense, qui ne porte plus rien. Décrochage et plongée brutale à pleine vitesse dans ce cas.
Ca peut nécessiter de modifier le haut du mât (fences, ou profil différent).
En conclusion de ces quelques remarques:
- Oui, on peut s'inspirer pas mal des ailes d'avions, en faisant gaffe de ne pas tout transposer, il y a des
spécificités importantes à naviguer sous l'eau.
- On ne s'inspirera pas trop des bateaux, trop différents (la faute à Archimède), même si ça navigue aussi dans le même milieu.
Reste que la meilleure source d'inspiration, ce sont à mon avis les
ailes de foil déjà conçues et validées pour les bateaux (catamarans en particulier).